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EPISTRE.

avec l’autre. La lecture de son Ouvrage répand insensiblement dans une ame les semences de la vertu, et luy apprend à se connoistre, sans qu’elle s’apperçoive de cette étude, et tandis qu’elle croit faire toute autre chose. C’est une Adresse dont s’est servi tres-heureusement celuy sur lequel sa Majesté a jetté les yeux pour vous donner des Instructions. Il fait en sorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec plaisir, tout ce qu’il est necessaire qu’un Prince sçache. Nous esperons beaucoup de cette Conduite ; mais à dire la vérité, il y a des choses dont nous esperons infiniment davantage. Ce sont, Monseigneur, les qualitez que nostre Invincible Monarque vous a données avec la Naissance ; c’est l’Exemple que tous les jours il vous donne. Quand vous le voyez former de si grands Desseins ; quand vous le considerez qui regarde sans s’étonner l’agitation de l’Europe, et les machines qu’elle remuë pour le détourner de son entreprise ; quand il penetre dés sa premiere démarche jusques dans le cœur d’une Province où l’on trouve à chaque pas des Barrieres insurmontables, et qu’il en subjugue une autre en huit jours[1], pendant la saison la plus ennemie de la guerre, lors que le repos et les plaisirs regnent dans les Cours des

  1. Cette province subjuguée en huit jours, est la Franche-Comté qui venoit d’être soumise plus rapidement encore que ne l’avoit été la Flandre l’année précédente. Corneille a dit dans des stances Au Roy sur sa conqueste de la Franche-Comté :

    Et ta course en neuf jours achève une carriere
    Que l’on verroit couster un siècle à d’autres Rois.

    Voyez dans mon édition de Corneille, tome X, p. 224, la note relative au premier de ces deux vers.