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FABLES CHOISIES.

Dans cette autre famille ayant semé l’effroy,
La Chate en son trou se retire.
L’Aigle n’ose sortir, ny pourvoir aux besoins
De ses petits : La Laye encore moins :
Sottes de ne pas voir que le plus grand des soins
Ce doit estre celuy d’éviter la famine.
A demeurer chez soy l’une et l’autre s’obstine,
Pour secourir les siens dedans l’occasion :
L’Oyseau Royal en cas de mine,
La Laye en cas d’irruption.
La faim détruisit tout : il ne resta personne
De la gent Marcassine, et de la gent Aiglonne,
Qui n’allast de vie à trépas ;
Grand renfort pour messieurs les Chats.

Que ne sçait point ourdir une langue traîtresse
Par sa pernicieuse adresse ?
Des malheurs qui sont sortis
De la boëte de Pandore ;
Celuy qu’à meilleur droit tout l’Univers abhorre,
C’est la fourbe à mon avis.




VII.
L’YVROGNE ET SA FEMME.



Chacun a son defaut où toûjours il revient :
Honte ny peur n’y remedie.
Sur ce propos d’un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n’appuye
De quelque exemple. Un suppost de Bacchus
Alteroit sa santé, son esprit, et sa bourse.
Telles gens n’ont pas fait la moitié de leur course,
Qu’ils sont au bout de leurs écus.