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EPISTRE.

puisque le plus sage des Anciens[1] a jugé qu’ils n’y étoient pas inutiles. J’ose, Monseigneur, vous en presenter quelques Essais. C’est un Entretien convenable à vos premieres années. Vous estes en un âge où l’amusement et les jeux sont permis aux Princes ; mais en mesme temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réflections serieuses. Tout cela se rencontre aux Fables que nous devons à Ésope. L’apparence en est puerile, je le confesse ; mais ces puerilitez servent d’envelope à des veritez importantes.

Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des Inventions si utiles, et tout ensemble si agreables : car, que peut-on souhaiter davantage que ces deux poincts ? Ce sont eux qui ont introduit les Sciences parmy les hommes. Ésope a trouvé un Art singulier de les joindre l’un

    appelloit le Fils aîné du Roi de France, Monsieur. On l’a nommé quelque tems de la même sorte sous Loüis XIV ; mais, depuis douze ou treize ans, Sa Majesté a voulu qu’on nommât Monseigneur celui qu’on avoit apelé Monsieur, et cela avec justice. On n’a fait que lui redonner la qualité qu’il avoit euë avant le Regne de François I. On n’a qu’à lire les Cent Nouvelles nouvelles, et l’on verra que je ne dis rien là-dessus que de vrai. »

  1. Il n’est pas fort difficile de deviner que par cette périphrase : le plus Sage des Anciens, La Fontaine veut désigner Socrate. Aujourd’hui on préféreroit avec raison se servir tout simplement du nom propre ; il n’en étoit pas de même alors. Bouhours, dans ses Remarques nouvelles, publiées en 1675, consacre un long article à cette question à propos des noms d’Epaminondas et de Cambyse dont les prédicateurs et les avocats avoient, à ce qu’il rapporte, singulièrement abusé. « M. Fléchier, dit-il, aime mieux un Ancien tout pur, que Thucidide, Xénophon ; d’autres Écrivains préferent un Sage à Socrate, et un Poëte à Juvénal. » (Édit. in-4o, p. 147.)