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CURTIUS.

C’est notre dernière ressource ! Et maintenant, continuons nos recherches du côté de Vincennes !

DAME ANGÈLE.

Et à la grâce de Dieu !

Ils sortent.

Scène V

CARLINETTE, seule.
Elle jette un regard furtif dans la salle, entre sur la pointe des pieds, aperçoit l’affiche, la décolle et revient à l’avant-scène où elle la lit.

« Il a été perdu, dans les environs du bureau des diligences, une jeune fille de seize ans, bien élevée, robe blanche rayée de bleu, répondant au nom de Carlinette. La ramener chez M. Curtius, à la foire Saint-Laurent. Bonne récompense !… » La jeune fille, c’est moi ; quant à la bonne récompense… c’est pas moi qui la mérite… parce que les bonnes récompenses ça ne se donne généralement pas aux demoiselles qui font un coup de tête ! Et je viens d’en faire un coup de tête… Il ne faut pas trop m’en vouloir ; j’ai une excuse : on m’amenait à Paris pour me marier sans mon aveu, à quelqu’un que je n’ai jamais vu. Je ne peux pas l’aimer, puisque je ne l’ai jamais vu ! Aussi, quand nous sommes parties de Rouen, j’ai arrêté mon plan tout de suite, je n’ai rien dit pendant le voyage, mais quand on est descendu de voiture, j’ai sauté à bas la première ! j’ai bousculé mes petites camarades… dame Angèle… tout le monde… et… cherche !… Ah ! c’est que le mariage pour moi, c’est une chose sacrée qui ne doit se conclure qu’après mille incidents : les amants ne doivent être réunis qu’après avoir bravé mille morts l’un pour l’autre ! Mon idéal, c’est une belle histoire que j’ai lue en cachette à la pension. C’est écrit par M. Vadé, un homme qui est bien poétique, allez !… Ça s’appelle : les amants constants jusqu’au trépas. Voulez-vous que je vous la conte ? oui ?…