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liberté ne résonnerait-il pas aussi agréablement à l’oreille de la femme ? pourquoi ne ferait-il pas vibrer aussi fortement tous les nerfs de son cœur ? pourquoi, en un mot, ne serait-elle pas aussi envieuse que l’homme de jouir de ce don précieux de la nature, que chacun aime, que chacun prise, et qui néanmoins fait généralement parmi nous l’effet du beau idéal qu’un grand nombre rêvent, et que si peu effectuent.

Femmes, c’est à vous que je m’adresse. Sortez de votre léthargie ; ouvrez les yeux, et voyez enfin l’état avilissant où l’on vous a réduites. La nature vous fit-elle ainsi ? vous créa-t-elle la propriété de l’homme ? vous créa-t-elle pour être son jouet ? vous créa-t-elle pour suivre ses lois, ses volontés et ses fantaisies ? vous créa-t-elle enfin pour être son esclave et celle des préjugés qu’il enfante ?… Non : vous fûtes créée pour être son égale, et pour cheminer ensemble aussi doucement que possible sur la route de la vie !… Honte et confusion pour nous, si les choses ne sont pas ce qu’elles doivent être.

Mais l’heure est sonnée ; levons-nous en masse, et faisons voir à l’homme que le sexe faible est fort lorsqu’il est opprimé ; brisons les chaînes dont on nous entoure ; déployons notre pacifique bannière ; et, semblable à celle des anciennes croisades, que chacun y lise : Dieu le veut : peut-être ajoutera-t-on, puisque les femmes le veulent. Eh bien oui, nous le voulons, parce que nous voulons la justice : notre cause est celle de la nature, celle des hommes, sans qu’ils s’en doutent ; car de notre affranchissement dépend notre commun bonheur ! Du courage donc et de l’énergie ; accomplissons cette œuvre par excellence ; le mal n’est pas si grand qu’il n’y ait encore du remède. Franchissons les barrières que l’on nous oppose. Honte à jamais pour celles qui reculeront en voyant les obstacles !