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commande le respect, et qui, à leur insu, leur fait connaître notre supériorité de mœurs.

Mais aussi gloire aux femmes qui, suivant l’instinct de liberté qui était en elles, ont aplani la route de notre émancipation. Quels que soient les désordres où leur faiblesse a pu les entrainer, se fussent-elles plongées dans la fange, leur nom un jour sera béni ; flétries par l’opinion, on n’a vu en elle que le côté dégradant, à nous il appartient de réhabiliter, à nous il appartient de sonder les profondeurs de ces abîmes de corruption où se trouvent englouties tant d’existences, tant de brillantes espérances… Que tout homme en nous lisant, en nous voyant, s’abstienne de nous juger, s’il ne comprend pas la haute moralité qui nous fait agir, et la foi religieuse qui nous donne la force de vaincre la réserve dont notre éducation nous avait enveloppées, pour venir révéler hautement ces profonds mystères d’un cœur de femme qui, suivant qu’ils sont développés ou réprimés produisent une source féconde des plus sublimes vertus ou un gouffre de vices et de dissimulation…

Dégagées de toute prévention, nous remonterons à la source de cette horrible dépravation qui fait d’une partie de la société un véritable enfer ; là, toutes les ressources de l’esprit, de l’adresse, de la beauté, sont employées à attirer ceux que cette dépravation n’a pas encore atteints, ou qui ne sont encore que sur le bord de l’abîme, horrible repaire où toute la puissance n’est que démoralisatrice et se reproduit sous mille formes différentes ; par la fraude, le vol, l’assassinat, le suicide, la prostitution… Ah ! pitié, pitié, pour les malheureux emportés par le torrent ; et nous, parce que nous avons eu la force d’y résister ou que des circonstances indépendantes de notre volonté nous en ont tenues éloignées, loin de jeter sur la tête des malheureuses victimes un anathème dont elles ne peuvent soulever le poids, notre voix s’élèvera pour elles, nous les protégerons de notre amour et de l’estime que nous sommes en droit d’exiger pour nous, car notre vie a été pure de toute souillure selon la loi chrétienne.

Quelle que soit la vie passée des femmes qui se rangeront