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Leur révolte fut sainte et légitime, du moment où les hommes violèrent la loi qu’eux-seuls avaient formulée, et ne se souvinrent de sa sublime pureté que pour l’exiger de nous, et nous imposer le joug de son austérité à laquelle ils savent se soustraire.

Dès lors il n’y eut plus de religion, les femmes furent forcées d’employer la ruse pour lutter contre l’égoïsme des hommes ; le préjugé succéda à la saine morale dont il n’eut que le masque, et la débauche de la vie privée augmenta avec la sèche rigidité de la vie extérieure.

Le premier anneau de notre chaîne fut rompu, et notre liberté se continua au milieu de la licence, où durent être entraînées les femmes qui, n’ayant pas conscience de leur insubordination, n’eurent plus aucune règle pour les guider sagement dans le torrent de dissolution qui les emportait et qui fut la plus haute négation d’une morale trop exclusive pour être en harmonie avec les lumières de notre siècle.

S’il a été utile que nous soyons soumises à une loi qui, en nous subalternisant aux hommes, assurait à notre faiblesse des protecteurs contre la force qui alors fut aussi utile pour régir et faire progresser l’humanité ; maintenant qu’il est bien reconnu que le pouvoir brutal tend à disparaître pour être remplacé par le pouvoir moral, il est utile que nous prenions successivement de droit la place que nous occupons de fait. La protection des hommes n’est plus qu’un vain mot, depuis long-temps nos protecteurs ne se servent du pouvoir que leur donne ce titre que pour nous séduire, nous juger et nous condamner ; réduites à nos propres forces, pour résister à leur immoralité nous ne les entraînons dans le vice qu’après y avoir été entraînées par eux…

Gloire aux femmes qui, brisant leur nature et la soumettant aux exigences de la loi chrétienne, out sacrifié à une noble fierté les battemens d’un cœur qui ne pouvait être compris d’un monde qui se joue de la véritable vertu, et la fait consister dans la froide réserve et la molle uniformité. Elles ont conservé cette dignité, résultat d’une satisfaction de conscience que donne toujours le sentiment de l’accomplissement d’un devoir. Elles ont sur les hommes cet ascendant qui