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la trompe, jusqu’à cette jeune fille de la classe privilégiée qu’on vend à son mari, ou qui l’achète, jusqu’à cette jeune femme froissée et trompée dans toutes ses espérances d’avenir et d’amour ; dites, dites, Mesdames, n’y a-t-il pas là de grandes douleurs, de grands enseignemens ? Y a-t-il de quoi réjouir la femme qui se trouve heureuse ? Ne sent-elle pas, cette femme, l’ardent désir, le besoin de contribuer au soulagement de tant de souffrances ? de travailler à la grande œuvre sociale ? Écoutez seulement votre cœur avec attention ; après cet examen, osez dire encore, dans votre profond égoïsme, que les femmes sont heureuses !… Ah ! j’espère mieux de vous.

Combien j’ai été étonnée en lisant les lignes offensantes que vous avez écrites contre les Saint-Simoniens. Vous ne les connaissez pas, à ce qu’il paraît, et vous vous mêlez de les juger : étudiez, étudiez-les, Mesdames, avant de parler d’eux ; ils en valent la peine. Lorsqu’on fait tant que d’avoir la prétention d’écrire au public et de mettre son nom au bas d’un article, il faut au moins avoir assez d’amour-propre pour ne pas mériter qu’on vous dise que vous parlez bien légèrement de ce que vous ne savez pas. Je ne suis pas Saint-Simonienne, Mesdames ; absente de Paris depuis long-temps, je n’ai pas vu les Apôtres de Ménil-Montant ; mais je vous avoue que je rougirais à votre place d’oser attaquer de tels hommes sans les connaître, sans avoir avec soin étudié et apprécié la valeur de leur doctrine. Lisez l’Exposition de la Doctrine Saint-Simonienne, l’Économie politique de M. Enfantin ; les Prédications de MM. Barrault et Retouret surtout. Si, après, vous ne sentez pas tout le sérieux de la vie, si vous n’êtes pas émues et touchées, alors je vous plains, et n’ai rien à ajouter. Je les ai entendus quelquefois à la salle Tait-Bout ; j’ai lu avec suite le Globe, et je n’ai pu leur refuser beaucoup de sympathie ; car toujours ils parlent au nom