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exprimé. Hélas ! celles qui ne se consument pas dans de vains désirs, ont pour échapper à cette mort lente et pour briller au bel âge, d’une part le théâtre, l’opinion les poursuit encore, si elles n’y portent pas le sceptre de la beauté et du talent. Ou bien le dirai-je, la prostitution dans tous ses degrés !… Femmes privilégiées, femmes de tous les rangs ! ces pauvres malheureuses partagent avec nous, notre plus beau titre, la maternité ! unissons donc toutes, nos efforts pour effacer cette honte qui pèse sur notre sexe entier, en travaillant de concert à transformer l’ordre social existant.

Comme madame Laure, j’ai assisté aux enseignemens des Saint-Simoniens et je ne sache pas qu’ils aient jamais pensé à nous ôter un titre que la nature a rendu indélébile, je suis aussi jalouse que cette dame, du droit des mères, cependant, si Dieu m’eût conservé mes enfans, je n’eusse pas fait difficulté dans l’ordre actuel, d’envoyer ma fille en pension et mon fils au collége ; cette marche eût semblé toute naturelle, et je n’eusse point passé pour mauvaise mère, en tenant mes enfans éloignés de moi aussi long-temps. Eh bien ! nous qui élevons la bannière de la femme nouvelle, nous voulons que le dévouement des mères qui les porte dans le seul intérêt de leurs enfans à se priver plusieurs années de suite de leurs présence, s’agrandisse encore et devienne plus social, car nos enfans appartiennent avant tout, à la grande famille de l’humanité.

Que craindre d’ailleurs d’une religion dont le chef nous proclame libres ! et fait faire silence ; pour entendre notre parole ! Quand viendra le moment de formuler et de donner force de loi aux divers réglemens nécessités par les nouveaux besoins de la société, tous les sentimens ne seront-ils pas représentés ? La jeune fille ne sera-t-elle pas venue dire qu’elle continue à vouloir pour première parure l’aimable pudeur ! La jeune femme qu’elle ne veut donner son amour et sa main qu’à l’homme qu’elle sentira son égal, non pas égalité de position sociale, mais de qualités morales, de facultés intellectuelles ; car je nie qu’il y ait amour possible sans ces conditions.