Page:La Femme libre, 1832.pdf/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6

le règne de l’Amour va s’établir sur cette heureuse terre : nouvel Eden, bien supérieur au premier, où il n’y avait que l’absence du mal, ici il y aura bonheur complet. On n’oubliera la prière que pour ne se rappeler de l’action de grâce !… Halte-là, mon imagination ! vous avez trop devancé l’auteur ; rétrogradez, je vous prie, et voyez les choses s’établir, non pas comme vous les désirez, mais bien comme on vous les décrit.

Ô ciel ! quel désappointement ! mais, en vérité, M. de Brémont, c’est à vous perdre de réputation. Vous ressemblez à s’y tromper à tous les maris de ma connaissance. Quoi ! sans avoir un principe, un point d’appui pour asseoir les fondemens de votre nouvelle société, vous vous entêtez dans vos moyens, vous faites du vieux, du replatrage. Ou vous avertit : « mais un homme qui se respecte, et qui doit avoir la suprématie en raison de ces quelques pouces et de ce qu’il est le plus fort, et aussi le plus hardi ; et que ce n’est pas parce qu’il est le plus hardi qu’il est fort, mais qu’il a conscience de sa force, et d’autres causes inhérentes à sa nature masculine. » Enfin, c’est une vertu de toutes ces très-fortes raisons données textuellement par la Gazette de France, le 2 de ce mois, que vous continuez quand même. Avouez-le, il y a un instant, ou je crois que si ce n’eût été l’extrême urgence de peupler votre monde, vous auriez dit aux conseilleuses, comme un certain président de cour royale très-connu dans Paris, à des dames qui avaient probablement aussi d’excellentes choses à dire : « Femmes, si vous ne vous taisez, je vous fais jeter à la porte. »

Eh bien ! charmante comtesse, délicieuses marquises de tous les pays, à quoi vous servent vos grâces, vos titres, dans le : je vous fais jeter à la porte, prononcé dans la première capitale du monde civilisé. Toutes les femmes ne sont-elles pas humiliées, écrasées ? Elles n’ont pas plus les unes que les autres de considération d’importance sociale. Ne serions-nous pas en droit de demander aux hommes où sont leurs titres pour nous mettre hors la loi ; sommes-nous si