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Sans mariage, avec l’amour libre, système que quelques femmes désirent faire prévaloir et qui n’a pu être conçu, comme j’ai été à même de m’en convaincre, que par des imaginations d’une pureté angélique ou par des imaginations salies, dégradées moralement ; sans mariage, dis-je, je ne conçois pas de société possible non-seulement dans l’état transitoire, mais même dans l’avenir. Pour moi, je l’avoue naïvement, plus rien alors n’est distinct à ma vue ; c’est le chaos, puisque la pensée de Dieu s’en trouve obscurcie. Il faudrait pour établir ce système, en suivant même la pensée la plus chaste, la plus sainte, il faudrait que la femme régnât seule, dominât seule, et je suis loin de prétendre pour mon sexe à la suprématie ; je veux l’harmonie, la sainte égalité, l’égalité relative dans tous les degrés de la hiérarchie humaine.

Que les partisantes de l’indépendance absolue ne se laissent donc point préoccuper par ce qui existe maintenant, par la forme des unions que l’on consacre aujourd’hui ; certes ma volonté n’est pas de les continuer ainsi ; car, dans ma pensée, je compare celles que l’on désigne comme les plus heureuses, à ces longues routes bien droites, bien unies, sans aucun accident pour délasser la vue : et le bonheur en ligne droite m’a toujours semblé chose fatigante et monotone ; pour dieu ! un peu d’imprévu dans la vie. Je ne dirai pas : beaucoup varier, mais bien varier : c’est la condition du bonheur et par conséquent du progrès. D’ailleurs, maintenir le mariage tel qu’il se pratique et réclamer pour que l’élément de mobilité prenne rang dans les choses humaines, serait un véritable contre-sens. Je dis donc, le plus affirmativement qu’il m’est possible, que les unions seront successives, ou, pour rendre mieux ma pensée, progressives autant de fois que le bonheur bien compris des individus rendra ce changement nécessaire.

J’ai besoin toutefois, avant d’aller plus loin, de rassurer