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réalisation de mes désirs d’avenir suffirait au bonheur de mon sexe ; je vais donc, en sondant ma conscience, achever ma pensé ; si je n’ai point assez dit, la mère me complètera ; puisse un grand nombre de femmes me suivre bientôt dans cette voie nouvelle que je leur trace, et, par de communs efforts, dévoiler hautement ce qu’il y a de sympathie dans nos âmes pour nos mutuelles douleurs, et de force pour les faire cesser.

J’ai dit que je sentais la femme, ainsi que l’homme, tellement liés à tout ce qui est, que je que concevrais pas l’harmonie, que je croirais retourner à l’état sauvage, si tous les actes importants de la vie ne s’accomplissaient pas sous la protection de Dieu, en face de l’humanité et du monde ; si tout ne saluait pas la naissance, comme on salue l’ami au retour d’un lointain voyage ou le réveil d’un objet aimé ; si tout ne souriait pas à l’amour et à sa consécration, comme un cœur joyeux sourit à l’aspect d’un soleil brillant ; si tout enfin ne se recueillait par devant le mystère de la mort, comme lorsque la pensée se plonge dans l’avenir, dans l’infini !

Oui, je veux le mariage dans l’avenir plus social que l’église chrétienne, qui consacrait aussi le mariage, mais le maintenait comme état inférieur. La société de l’avenir le regardera comme l’état supérieur, l’état saint dans la vie ; je veux que chaque couple conduit par l’amour au bonheur individuel, travaille alors avec plus d’ardeur à l’harmonie sociale, car pour moi l’amour, tout-à-la fois stimulant et récompense, ne réside pas seulement dans cet attrait matériel qu’une caresse excite et dissipe presque au même instant ; mais, pour qu’il soit normal et saint, il faut qu’il saisisse l’être tout entier, et que cette double force, cette double existence unie l’une à l’autre, mais point identifiée, se nommant alors individu social, soit rappelé par ce titre au sentiment de la grande famille.