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des femmes, changer en se proposant un but de moralisation sur ceux qu’ils auront puissance de moraliser. Et c’est là ce qu’on appelle immoralité ! Vraiment, en entendant un pareil langage, peut-on croire qu’il y ait bonne foi de la part de ceux qui le tiennent ? Peuvent-ils être tellement ignorans sur les mœurs de notre siècle, qu’ils ne sachent qu’il n’y a que douleur, que déchirement à attendre dans le monde, tel qu’il est organisé ? Ils ne peuvent se dissimuler le grand nombre d’époux qui vivent en mésintelligence ; et quand je dis en mésintelligence, je n’entends pas parler seulement de ceux qui sont en guerre ouverte, mais aussi de ceux qui ne s’aiment pas assez pour trouver du charme même à souffrir ensemble, et qui s’aiment assez peu pour ne pouvoir trouver dans leur amour mutuel les consolations qui leur feraient oublier les peines de la vie. Je dis donc qu’ils ne peuvent se dissimuler le grand nombre de ménages où règne cette mésintelligence, parce qu’on ne s’est pas occupé, en unissant ces époux, de voir si leur nature était en harmonie, ou parce qu’on leur fait un devoir de rester unis, alors même que cette harmonie n’existe plus. Et ces femmes sur lesquelles pèsent un si grand anathème, si, dès leurs jeunes ans, on avait accordé satisfaction à leur nature, tout en les dirigeant vers un but moral, elles emploieraient leur beauté à moraliser à leur tour, et ne seraient pas, comme aujourd’hui, un sujet de chutes pour plusieurs, et un fardeau pour elles-mêmes. Contenues dans de justes limites, sans être asservies à une morale exclusive, elles concourraient plus qu’on ne le pense, au progrès, au bonheur de l’humanité. Au lieu de cela, que sont-elles ? la honte, l’opprobre de leur sexe, et comme le disent ceux qui nous condamnent, un mal nécessaire. Et c’est vous qui nous taxez d’immoralité ! vous, qui désespérez assez des moyens de bonheur que la Providence vous met dans les mains pour penser que la prostitution soit un mal nécessaire ! Et moi, je vous le demande, sont-ils vraiment moraux ceux qui admettent le comble de l’immoralité comme chose nécessaire, et qui re-