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les intelligences individuelles ont perdu leur première place. Ainsi, les rois étaient des héros, chefs par le génie ; la société a inventé la legitimité pour abréger les travaux. Le įvrai chef s’est trouvé étouffé par la foule, obligé à se débattre entre mille entraves pour parvenir. Nul doute que dans ies derniers déserts du Noureau-Monde, là où les Sauvages reculent pour respirer encore l’air primitif et la solitude, le caractère et le courage n’obtiennent mieux leur place qu’à Paris : le plus actif est le maitre, et si quelque honneur entoure le fils du dernier chef, c’est par un souvenir pieux, mais pasplus.

La supériorité n’a pas seulement été détrônée, mais modifiée

dans un temps d’ignorance c’est une volonté forte

qui la prouvait ; aujourd’hui l’esprit y est pour beaucoup plus. Pourtant la différence n’estpas si grande qu’on croit, et tout homme capable porte dans sa vie, dans ses conseils, le mérite d’un homme d’action, comme un homme d’action a toujours l’intelligence, car comprendre c’est voir ; pour dominer, comprendre, agir, il faut avoir vu ; la volonté peut nmanquer au peuseur, mais non le jugement à l’homme d’action.

La société a donc, pour ainsi dire, échappé aux mains de l’homme ; elle a marché seule, elle a eu ses secrets, ses mouvemens qu’il fallait étudier ; ça est devenu une grande machine avec des lois inévitables. Mais puisque c’était la domination du talent qui l’avait portée à cette puissance, c’était l’intérèt de la société de préserver le talent dans son sein, de lui rendre par un accord ce qu’il ne pouvait plus atteindre sans difficulté. La société n’a pas tout laissé naitre naturellement ; clle a trouvé, iaventé, copié : ainsi des évènemens, des traditions, les efforts des lhommes, ces mille causes qui se partagent toujours l’influence, avaient donné à l’Angleterre une représentation nationale : qu’a fait la France qui avait détérioré