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Si vous entendez par roman l’histoire intime des sensations de l’anme, le sentiment, oui, sans doute, Messieurs, je vous l’accorde, ce sera toujours notre histoire ; mais, pour vous inspirer de l’intérêt, faudra-t-il torjours que le drame en soit larmoyant ; qu’il exprime toujours des doulears atroces (comme on dıt) ; que l’adaltère, la jalousie le salissent et de fange et de sang ; enfin, que chaque ipisode prouvc, duns l’avenir comme à présent, l’exploitation qui pèse sar la temme ? car le neud et l’intérêt de la plupart des romans reposent sur cette ex ploitation exercée par les maris et les pères. Oh ! moi, je ne le pense pas : dans l’organisation de la société telle que nous la concevons, j’assigne au roman unc place belle ct grande. Croit-on qu’il u’y a pas de poésie dans le bonheur, et que l’aniour, pour être vrai, gracieux, tendre, passionné, déJirant même, ne fournirait pas des épisodes aussi intéressans que l’horrible vérité que notre triste siècle force à retracer ? J’avrouerais même, au risque de passer pour bien positive, et de perdre un peu de ce gracieux idèal du roman, ces charmantes fictions perdre de leur charme en ne peignant plus l’agonie ; je crois que, de compte fait, le monde gagnerait autant en réalité, et u’aurait pas lien de se plaindre, si l’imagination, cette brillante magicienne, pouvait ne plus s’entourer de voiles funèbres. Il faut que nous soyons donc bicn puissantes, paur vous causer une telle frayeur : en vérité, j’en suis toute fière. Quoi ! nous nc demandons que l’égalité, ct vous craignez de voir la société tomber tout d’une pièce en quenouille. J’imagine en effet qu’une femme qui voterait les lois, qui discuterait le budget, qui administrerait les deniers publics, et qui jugerait les procès, serait tout au plus un homme. Parmi nos profonds politiques du jour, citez-m’en, je vous prie, beaucoup dont la capacité gouvernementale fül micux constatée que celle des célèbres Roland, de