Page:La Femme libre, 1832.pdf/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
5

éternellement marcher sur la décision prise dans un siècle obscur et ignorant

Je prêche donc en ce jour une nouvelle croisade pacifique contre le despotisme, contre l’écrasant joug des préjugés, qui condamne indistinctement, et empêche les faibles de se relever, et surtout contre cette injurieuse croyance qui subalternise et déclare notre sexe inférieur à l’autre.

J’adjure cette belle jeunesse de France, si ardente, si généreuse pour tout ce qui lui paraît grand, de se rapprocher de nos religieux défenseurs, de soutenir comme eux la justice de notre cause, et comme eux aussi, de nous entourer de respect : de commander le silence, car notre voix est faible et timide… et cependant nous avons beaucoup à dire ! !

Suzanne.

AFFRANCHISSEMENT DES FEMMES

.

Il est bien naturel et bien légal ce désir que nous avons de nous rendre libres et de nous débarrasser des entraves qu’apportèrent jusqu’à présent sur notre route les mœurs et les convenances ; et quoi qu’on en dise, il est grand et sublime pour une femme de ne vouloir ni esclavage ni déshonneur, et d’élever la voix contre ce monde qui ne lui offre que l’un ou l’autre. Selon lui une femme doit se renfermer dans le cercle de la vie domestique et dans les fêtes et les plaisirs qu’il lui permet : il lui impose tant de contrainte et tant de gêne que le plus souvent ses plaisirs et ses fêtes ne sont que des corvées ! Et à présent qu’il nous entend parler de liberté, nous, femmes, il s’indigne, parce que, hors l’esclavage, il ne connaît que la prostitution ! Erreur : la liberté que nous voulons repousse l’une autant que l’autre. Nous sentons vivement les peines et les privations de tous genres qui nous attendent si nous courbons la tête sous le joug des préjugés ; mais nous sentons aussi que le bonheur n’est pas où beaucoup le croient. Nous ne nous effrayons pas de l’anathème que plusieurs lanceront contre nous, fortes comme nous sommes de la conviction intime qu’un jour ils avoueront qu’ils s’étaient étrangement trompés en