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partagées. Quand un homme grand et puissant proclamait que les femmes devaient être libres, je refusais la liberté : mais tout en la refusant, je réfléchis, j’examinais, et je reconnus que ce n’est point la liberté qui amène la licence mais bien plutôt l’esclavage : Lorsqu’on a long-temps subi un joug, on se lasse de le porter, on le secoue, c’est ce qui a eu lieu en religion, en morale, en politique. Depuis longtemps, le monde s’élève contre la loi chrétienne, et le désordre existe, ce n’est pas nous qui viendrons l’augmenter. Une autre idée sur laquelle je veux attirer votre attention, c’est qu’avec les goûts et le caractère qui doivent le plus trouver satisfaction et bonheur dans la société telle qu’elle est organisée, vous n’avez pas été sans y éprouver des chagrins, résultat de la fausse éducation qu’on nous donne. Mais réfléchissez combien celles qui, par leur caractère, différent absolument de vous, ont dû souffrir davantage, surtout si ce caractère s’est trouvé dans une fille du peuple. Oh ! alors, la malheureuse, il a fallu qu’elle dévore ses pleurs et qu’elle les renferme en elle-même. Quelques-unes ont eu cette force, d’autres ne l’ont pas eue, et on leur à jeté anathème ; on n’a pas réfléchi à la position où elles se trouvaient placées. Femmes qui avez de la charité, sans doute vous avez gémi sur le sort de ces femmes jeunes et belles qui sont plongées dans ces abimes de vices. Mais combien ne devez-vous pas plus souffrir lorsque vous pensez que ces malheureuses ont été perdues par vos époux, vos frères, vos fils ? Qu’elles aussi avaient été pures, qu’elles avaient rêvé les joies d’un amour vertueux et les plaisirs des fêtes ; mais elles étaient pauvres, la misère était là avec sa hideuse figure qui venait détruire tous ces rêves de bonheur ; puis elles voyaient des femmes qui n’étaient pas plus belles qu’elles, et qui cependant jouissaient de tous les plaisirs, étaient parées de tout ce qu’il y avait de plus beau, tandis qu’à peine elles avaient un vêtement et du pain. Au milieu de leur désespoir, des hommes sont venus à elles, ils leur ont parlé d’amour, de bonheur, elles ont cru à leurs paroles, elles se sont vendues croyant se donner, le monde les a repoussées… elles ont été perdues !… Oh ! femmes, c’est au nom de Dieu que je vous invite à con-