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fait que cette prédiction, repartit madame la dauphine en souriant, et pensant à l’affaire d’Angleterre, je ne vous conseille pas de décrier l’astrologie, et vous pourriez trouver des raisons pour la soutenir. Madame de Clèves comprit bien ce que voulait dire madame la dauphine ; mais elle entendait bien aussi que la fortune dont M. de Nemours voulait parler n’était pas d’être roi d’Angleterre.

Comme il y avait déjà assez long-temps de la mort de sa mère, il fallait qu’elle commençât à paraître dans le monde, et à faire sa cour comme elle avait accoutumé : elle voyait M. de Nemours chez madame la dauphine ; elle le voyait chez M. de Clèves, où il venait souvent avec d’autres personnes de qualité de son âge, afin de ne se pas faire remarquer ; mais elle ne le voyait plus qu’avec un trouble dont il s’apercevait aisément.

Quelque application qu’elle eût à éviter ses regards, et à lui parler moins qu’à un autre, il lui échappait de certaines choses qui partaient d’un premier mouvement, qui faisaient juger à ce prince, qu’il ne lui était pas indifférent. Un homme moins pénétrant que lui ne s’en fût peut-être pas aperçu ; mais il avait déja été aimé tant de fois qu’il était difficile qu’il ne connût pas quand on l’aimait. Il voyait bien que le chevalier de Guise était son rival, et ce prince connaissait que M. de Nemours était le sien. Il était le seul homme de la cour qui eût démêlé cette vérité ; son intérêt l’avait rendu plus clairvoyant que les autres ; la connaissance qu’ils avaient de leurs sentiments leur donnait une aigreur qui paraissait en toutes choses, sans éclater