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de ce qui se venait de passer, qu’à peine pouvait-elle cacher la distraction de son esprit. Quand elle fut en liberté de rêver, elle connut bien qu’elle s’était trompée, lorsqu’elle avait cru n’avoir plus que de l’indifférence pour M. de Nemours. Ce qu’il lui avait dit avait fait toute l’impression qu’il pouvait souhaiter, et l’avait entièrement persuadée de sa passion. Les actions de ce prince s’accordaient trop bien avec ses paroles, pour laisser quelque doute à cette princesse. Elle ne se flatta plus de l’espérance de ne le pas aimer ; elle songea seulement à ne lui en donner jamais aucune marque. C’était une entreprise difficile, dont elle connaissait déja les peines : elle savait que le seul moyen d’y réussir était d’éviter la présence de ce prince ; et, comme son deuil lui donnait lieu d’être plus retirée que de coutume, elle se servit de ce prétexte pour n’aller plus dans les lieux où il la pouvait voir. Elle était dans une tristesse profonde : la mort de sa mère en paraissait la cause, et l’on n’en cherchait point d’autre.

M. de Nemours était désespéré de ne la voir presque plus ; et, sachant qu’il ne la trouverait dans aucune assemblée et dans aucun des divertissements où était toute la cour, il ne pouvait se résoudre d’y paraître ; il feignit une passion grande pour la chasse, et il en faisait des parties les mêmes jours qu’il y avait des assemblées chez les reines. Une légère maladie lui servit long-temps de prétexte pour demeurer chez lui, et pour éviter d’aller dans tous les lieux où il savait bien que madame de Clèves ne serait pas.

M. de Clèves fut malade à-peu-près dans le même temps. Madame de Clèves ne sortit point de sa chambre