Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

que lui ; et il a une si grande opinion de mes charmes, qu’il est persuadé que je suis la seule personne qui puisse faire de si grands changements en M. de Nemours.

Ces dernières paroles de madame la dauphine donnèrent une autre sorte de trouble à madame de Clèves, que celui qu’elle avait eu quelques moments auparavant. Je serais aisément de l’avis de M. d’Anville, répondit-elle ; et il y a beaucoup d’apparence, madame, qu’il ne faut pas moins qu’une princesse telle que vous pour faire mépriser la reine d’Angleterre. Je vous l’avouerais, si je le savais, repartit madame la dauphine, et je le saurais s’il était véritable. Ces sortes de passions n’échappent point à la vue de celles qui les causent : elles s’en aperçoivent les premières. M. de Nemours ne m’a jamais témoigné que de légères complaisances ; mais il y a néanmoins une si grande différence de la manière dont il a vécu avec moi, à celle dont il y vit présentement, que je puis vous répondre que je ne suis pas la cause de l’indifférence qu’il a pour la couronne d’Angleterre.

Je m’oublie avec vous, ajouta madame la dauphine, et je ne me souviens pas qu’il faut que j’aille voir Madame. Vous savez que la paix est quasi conclue ; mais vous ne savez pas que le roi d’Espagne n’a voulu passer aucun article qu’à condition d’épouser cette princesse, au lieu du prince dom Carlos, son fils. Le roi a eu beaucoup de peine à s’y résoudre : enfin il y a consenti, et il est allé tantôt annoncer cette nouvelle à Madame. Je crois qu’elle sera inconsolable : ce n’est pas une chose qui puisse plaire d’épouser un homme de l’âge et de l’humeur du roi d’Espagne, sur-tout à elle, qui a toute la joie que donne la première jeunesse