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envoyer épouser la reine d’Angleterre par des ambassadeurs.

M. d’Anville et M. le vidame, qui étaient chez le roi avec M. de Nemours, sont persuadés que c’est cette même passion dont il est occupé qui le détourne d’un si grand dessein. Le vidame, qui le voit de plus près que personne, a dit à madame de Martigues que ce prince est tellement changé qu’il ne le reconnaît plus ; et ce qui l’étonne davantage, c’est qu’il ne lui voit aucun commerce ni aucunes heures particulières où il se dérobe, en sorte qu’il croit qu’il n’a point d’intelligence avec la personne qu’il aime ; et c’est ce qui fait méconnaître M. de Nemours, de lui voir aimer une femme qui ne répond point à son amour.

Quel poison pour madame de Clèves que le discours de madame la dauphine ! Le moyen de ne se pas reconnaître pour cette personne dont on ne savait point le nom ! et le moyen de n’être pas pénétrée de reconnaissance et de tendresse, en apprenant, par une voie qui ne lui pouvait être suspecte, que ce prince, qui touchait déja son cœur, cachait sa passion à tout le monde, et négligeait pour l’amour d’elle les espérances d’une couronne ! Aussi ne peut-on représenter ce qu’elle sentit, et le trouble qui s’éleva dans son ame. Si madame la dauphine l’eût regardée avec attention, elle eût aisément remarqué que les choses qu’elle venait de dire ne lui étaient pas indifférentes ; mais, comme elle n’avait aucun soupçon de la vérité, elle continua de parler, sans y faire de réflexion. M. d’Anville, ajouta-t-elle, qui, comme je vous viens de dire, m’a appris tout ce détail, m’en croit mieux instruite