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ne la verrai plus, elle est morte ! je n’en étais pas digne ; mais je la suivrai bientôt.

Après cela il se tut ; et puis, de temps en temps, redisant toujours : elle est morte, et je ne la verrai plus ! il revenait aux cris et aux larmes, et demeurait comme un homme qui n’avait plus de raison. Il me dit qu’il n’avait pas reçu souvent de ses lettres pendant son absence ; mais qu’il ne s’en était pas étonné, parce qu’il la connaissait, et qu’il savait la peine qu’elle avait à hasarder de ses lettres. Il ne doutait point qu’il ne l’eût épousée à son retour ; il la regardait comme la plus aimable et la plus fidèle personne qui eût jamais été ; il s’en croyait tendrement aimé ; il la perdait dans le moment qu’il pensait s’attacher à elle pour jamais. Toutes ces pensées le plongeaient dans une affliction violente, dont il était entièrement accablé ; et j’avoue que je ne pouvais m’empêcher d’en être touché.

Je fus néanmoins contraint de le quitter pour aller chez le roi : je lui promis que je reviendrais bientôt. Je revins en effet, et je ne fus jamais si surpris que de le trouver tout différent de ce que je l’avais quitté. Il était debout dans sa chambre, avec un visage furieux, marchant et s’arrêtant comme s’il eût été hors de lui-même. Venez, venez, me dit-il, venez voir l’homme du monde le plus désespéré ; je suis plus malheureux mille fois que je n’étais tantôt, et ce que je viens d’apprendre de madame de Tournon est pire que sa mort.

Je crus que la douleur le troublait entièrement ; et je ne pouvais m’imaginer qu’il y eût quelque chose de pire que la mort d’une maîtresse que l’on aime, et