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et à se remettre dans le monde : elle venait chez ma belle-sœur à des heures où une partie de la cour s’y trouvait. Sancerre n’y venait que rarement, mais ceux qui y étaient tous les soirs et qui l’y voyaient souvent la trouvaient très-aimable.

Peu de temps après qu’elle eut commencé à quitter sa solitude, Sancerre crut voir quelque refroidissement dans la passion qu’elle avait pour lui. Il m’en parla plusieurs fois, sans que je fisse aucun fondement sur ses plaintes ; mais à la fin, comme il me dit qu’au lieu d’achever leur mariage, elle semblait l’éloigner, je commençai à croire qu’il n’avait pas de tort d’avoir de l’inquiétude : je lui répondis que, quand la passion de madame de Tournon diminuerait après avoir duré deux ans, il ne faudrait pas s’en étonner ; que quand même, sans être diminuée, elle ne serait pas assez forte pour l’obliger à l’épouser, il ne devrait pas s’en plaindre ; que ce mariage, à l’égard du public, lui ferait un extrême tort, non-seulement parce qu’il n’était pas un assez bon parti pour elle, mais par le préjudice qu’il apporterait à sa réputation : qu’ainsi tout ce qu’il pouvait souhaiter était qu’elle ne le trompât point, et qu’elle ne lui donnât pas de fausses espérances. Je lui dis encore que, si elle n’avait pas la force de l’épouser, ou qu’elle lui avouât qu’elle en aimait quelque autre, il ne fallait point qu’il s’emportât, ni qu’il se plaignît ; mais qu’il devrait conserver pour elle de l’estime et de la reconnaissance.

Je vous donne, lui dis-je, le conseil que je prendrais pour moi-même ; car la sincérité me touche d’une telle sorte, que je crois que, si ma maîtresse et même ma