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ment je l’avais découverte : il fut contraint de me l’avouer. Je lui contai ensuite ce qui me l’avait apprise, et il m’apprit aussi le détail de leur aventure : il me dit que, quoiqu’il fût cadet de sa maison, et très-éloigné de pouvoir prétendre un aussi bon parti, néanmoins elle était résolue de l’épouser. L’on ne peut être plus surpris que je le fus. Je dis à Sancerre de presser la conclusion de son mariage, et qu’il n’y avait rien qu’il ne dût craindre d’une femme qui avait l’artifice de soutenir, aux yeux du public, un personnage si éloigné de la vérité. Il me répondit qu’elle avait été véritablement affligée ; mais que l’inclination qu’elle avait eue pour lui avait surmonté cette affliction, et qu’elle n’avait pu laisser paraître tout d’un coup un si grand changement. Il me dit encore plusieurs autres raisons pour l’excuser, qui me firent voir à quel point il en était amoureux : il m’assura qu’il la ferait consentir que je susse la passion qu’il avait pour elle, puisque aussi-bien c’était elle-même qui me l’avait apprise. Il l’y obligea en effet, quoique avec beaucoup de peine, et je fus ensuite très-avant dans leur confidence.

Je n’ai jamais vu une femme avoir une conduite si honnête et si agréable à l’égard de son amant ; néanmoins j’étais toujours choqué de son affectation à paraître encore affligée. Sancerre était si amoureux et si content de la manière dont elle en usait pour lui, qu’il n’osait quasi la presser de conclure leur mariage, de peur qu’elle ne crût qu’il le souhaitait plutôt par intérêt que par une véritable passion. Il lui en parla toutefois, et elle lui parut résolue à l’épouser ; elle commença même à quitter cette retraite où elle vivait,