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il fit ce qu’il put pour rendre aussi une visite à madame de Clèves ; mais elle ne le voulut point recevoir, et sentant bien qu’elle ne pouvait s’empêcher de le trouver aimable, elle avait fait une forte résolution de s’empêcher de le voir, et d’en éviter toutes les occasions qui dépendraient d’elle.

M. de Clèves vint à Paris pour faire sa cour, et promit à sa femme de s’en retourner le lendemain ; il ne revint néanmoins que le jour d’après. Je vous attendis tout hier, lui dit madame de Clèves lorsqu’il arriva ; et je vous dois faire des reproches de n’être pas venu comme vous me l’aviez promis. Vous savez que si je pouvais sentir une nouvelle affliction en l’état où je suis, ce serait la mort de madame de Tournon, que j’ai apprise ce matin : j’en aurais été touchée quand je ne l’aurais point connue ; c’est toujours une chose digne de pitié, qu’une femme jeune et belle comme celle-là soit morte en deux jours ; mais de plus, c’était une des personnes du monde qui me plaisait davantage, et qui paraissait avoir autant de sagesse que de mérite.

Je fus très-fâché de ne pas revenir hier, répondit M. de Clèves ; mais j’étais si nécessaire à la consolation d’un malheureux, qu’il m’était impossible de le quitter. Pour madame de Tournon, je ne vous conseille pas d’en être affligée, si vous la regrettez comme une femme pleine de sagesse et digne de votre estime. Vous m’étonnez, reprit madame de Clèves, et je vous ai ouï dire plusieurs fois qu’il n’y avait point de femme à la cour que vous estimassiez davantage. Il est vrai, répondit-il, mais les femmes sont incompréhensibles ; et quand je les vois toutes, je me trouve si heureux de