Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/534

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incomparables : je ne veux point vous dire toutes ces choses ; votre miroir vous les dit assez ; mais, comme vous ne vous amusez pas à lui parler, il ne peut vous dire combien vous êtes aimable et charmante, quand vous parlez ; et c’est ce que je veux vous apprendre.

Sachez donc, madame, si par hasard vous ne le savez pas, que votre esprit pare et embellit si fort votre personne, qu’il n’y en a point au monde de si agréable. Lorsque vous êtes animée, dans une conversation dont la contrainte est bannie, tout ce que vous dites a un tel charme, et vous sied si bien, que vos paroles attirent les ris et les grâces autour de vous ; et le brillant de votre esprit donne un si grand éclat à votre teint et à vos yeux, que, quoiqu’il semble que l’esprit ne dût toucher que les oreilles, il est pourtant certain que le vôtre éblouit les yeux, et que, lorsqu’on vous écoute, l’on ne voit plus qu’il manque quelque chose à la régularité de vos traits, et l’on vous croit la beauté du monde la plus achevée. Vous pouvez juger, par ce que je viens de vous dire, que, si je vous suis inconnu, vous ne m’êtes pas inconnue, et qu’il faut que j’aie eu plus d’une fois l’honneur de vous voir et de vous entretenir, pour avoir démêlé ce qui fait en vous cet agrément dont tout le monde est surpris : mais je veux encore vous faire voir, madame, que je ne connais pas moins les qualités solides qui sont en vous, que je sais les agréables dont on est touché. Votre ame est grande, noble, propre à dispenser des trésors, et incapable de s’abaisser au soin d’en amasser. Vous êtes sensible à la gloire et à l’ambition ; et vous ne l’êtes pas moins au plaisir. Vous paraissez née pour eux, et il