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victorieux des Turcs, avaient encore assez d'occupation pour nous laisser en repos, et l'on espérait que des conquêtes quasi sûres auraient plus d'appas pour eux que le plaisir d'une vengeance douteuse. L'Espagne était trop abaissée pour nous donner une ombre d'appréhension ; l'Angleterre, trop tourmentée dans ses entrailles, et les deux rois trop liés pour qu'il y eût rien à craindre. L'on était fort persuadé des mauvaises intentions du prince d'Orange ; mais nous étions rassurés par l'état de la république de Hollande, dont le souverain bonheur consiste dans la paix : nous étions donc persuadés que, si la guerre commençait, ce ne pourrait être que par nous.

Tout ce que je viens de dire laissait au roi le plaisir tout pur de jouir de ses travaux. Ses bâtiments, auxquels il faisait des dépenses immenses, l'amusaient infiniment ; et il en jouissait avec les personnes qu'il honore de son amitié, et celles que ces personnes distinguent par-dessus les autres. Il était bien persuadé que, si la paix du Turc se pouvait faire, ses ennemis se rassembleraient tous contre lui ; mais cette pensée-là était trop éloignée pour lui faire de la peine ; cependant cet éloignement n'empêchait pas que la politique ne lui fît prendre des précautions. Une de celles que l'on jugea la plus utile, fut de s'assurer de l'électorat de Cologne, sans s'en saisir. Nous étions déjà les maîtres de tout le Haut-Rhin, par la possession de l'Alsace ; il n'y avait que Philisbourg que nous n'avions pas ; mais l'on bâtissait une place à Landau, pour rendre celle-là inutile aux Impériaux. Luxembourg nous mettait tout le pays de Trêves dans notre dépen-