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plus en plus qu’il y avait quelque mystère dans cette aventure, qu’il ne pouvait deviner ; et, son désespoir s’augmentant par cette incertitude : Ôtez-moi la vie vous-même, lui dit-il, ou donnez-moi l’éclaircissement de vos paroles ; je n’y comprends rien : vous devez cet éclaircissement à mon amitié : vous le devez à ma modération ; car tout autre que moi aurait déjà vengé sur votre vie un affront si sensible. Les apparences sont bien fausses, interrompit le comte. Ah ! c’est trop, répliqua le prince ; il faut que je me venge, et puis je m’éclaircirai à loisir. En disant ces paroles, il s’approcha du comte de Chabanes avec l’action d’un homme emporté de rage. La princesse, craignant quelque malheur (ce qui ne pouvait pourtant pas arriver, son mari n’ayant point d’épée), se leva pour se mettre entre deux. La faiblesse où elle était la fit succomber à cet effort, et, comme elle approchait de son mari, elle tomba évanouie à ses pieds. Le prince fut encore plus touché de cet évanouissement qu’il n’avait été de la tranquillité où il avait trouvé le comte, lorsqu’il s’était approché de lui ; et, ne pouvant plus soutenir la vue de deux personnes qui lui donnaient des mouvements si tristes, il tourna la tête de l’autre côté, et se laissa tomber sur le lit de sa femme, accablé d’une douleur incroyable. Le comte de Chabanes, pénétré de repentir d’avoir abusé d’une amitié dont il recevait tant de marques, et, ne trouvant pas qu’il pût jamais réparer ce qu’il venait de faire, sortit brusquement de la chambre, et, passant par l’appartement du prince, dont il trouva les portes ouvertes, il descendit dans la cour ; il se fit donner des chevaux, et s’en