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et la nuit, dans la chambre de sa femme l’homme du monde qu’il aimait le mieux, le mit hors d’état de pouvoir parler. La princesse était à demi-évanouie sur des carreaux, et jamais peut-être la fortune n’a mis trois personnes en des états si pitoyables. Enfin, le prince de Montpensier, qui ne croyait pas ce qu’il voyait, et qui voulait démêler ce chaos où il venait de tomber, adressant la parole au comte, d’un ton qui faisait voir qu’il avait encore de l’amitié pour lui : Que vois-je, lui dit-il ? Est-ce une illusion ou une vérité ? Est-il possible qu’un homme que j’ai aimé si chèrement choisisse ma femme entre toutes les autres femmes, pour la séduire ? Et vous, madame, dit-il à la princesse, en se tournant de son côté, n’était-ce point assez de m’ôter votre cœur et mon honneur, sans m’ôter le seul homme qui me pouvait consoler de ces malheurs ? Répondez-moi l’un ou l’autre, leur dit-il, et éclaircissez-moi d’une aventure que je ne puis croire telle qu’elle me paraît. La princesse n’était pas capable de répondre, et le comte de Chabanes ouvrit plusieurs fois la bouche sans pouvoir parler. Je suis criminel à votre égard, lui dit-il enfin, et indigne de l’amitié que vous avez eue pour moi ; mais ce n’est pas de la manière que vous pouvez l’imaginer. Je suis plus malheureux que vous, et plus désespéré ; je ne saurais vous en dire davantage. Ma mort vous vengera, et, si vous voulez me la donner tout-à-l’heure, vous me donnerez la seule chose qui peut m’être agréable. Ces paroles, prononcées avec une douleur mortelle et avec un air qui marquait son innocence, au lieu d’éclaircir le prince de Montpensier, lui persuadaient de