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trouva sur le bord d’une petite rivière, qu’il ne reconnut pas lui-même. Le duc d’Anjou lui fit la guerre de les avoir si mal conduits ; et, étant arrêtés en ce lieu, aussi disposés à la joie qu’ont accoutumé de l’être de jeunes princes, ils aperçurent un petit bateau qui était arrêté au milieu de la rivière, et, comme elle n’était pas large, ils distinguèrent aisément dans ce bateau trois ou quatre femmes, et une entre autres qui leur sembla fort belle, qui était habillée magnifiquement, et qui regardait avec attention deux hommes qui pêchaient auprès d’elles. Cette aventure donna une nouvelle joie à ces jeunes princes, et à tous ceux de leur suite. Elle leur parut une chose de roman. Les uns disoient au duc de Guise, qu’il les avait egarés exprès pour leur faire voir cette belle personne ; les autres, qu’il fallait, après ce qu’avait fait le hasard, qu’il en devînt amoureux ; et le duc d’Anjou soutenait que c’était lui qui devait être son amant. Enfin, voulant pousser l’aventure à bout, ils firent avancer dans la rivière de leurs gens à cheval, le plus avant qu’il se put, pour crier à cette dame que c’était M. d’Anjou, qui eût bien voulu passer de l’autre côté de l’eau, et qui priait qu’on le vînt prendre. Cette dame, qui était la princesse de Montpensier, entendant dire que le duc d’Anjou était là, et ne doutant point, à la quantité de gens qu’elle voyait au bord de l’eau, que ce ne fût lui, fit avancer son bateau pour aller du côté où il était. Sa bonne mine le lui fit bientôt distinguer des autres ; mais elle distingua encore plutôt le duc de Guise : sa vue lui apporta un trouble qui la fit un peu rougir et qui la fit paraître aux yeux de ces princes