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avec une telle violence que je n’ai pu y résister. Je suis venu ici, au hasard de tout ce qui pourrait en arriver, et sans espérer même de vous entretenir. La comtesse le gronda d’abord de la commettre si légèrement ? et ensuite leur passion les conduisit à une conversation si longue, que le comte de Tende revint de la ville. Il alla à l’appartement de sa femme : on lui dit qu’elle n’était pas éveillée ; il était tard ; il ne laissa pas d’entrer dans sa chambre, et trouva le prince de Navarre à genoux devant son lit, comme il s’était mis d’abord. Jamais étonnement ne fut pareil à celui du comte de Tende, et jamais trouble n’égala celui de sa femme. Le prince de Navarre conserva seul de la présence d’esprit, et, sans se troubler ni se lever de la place : Venez, venez, dit-il au comte de Tende, m’aider à obtenir une grâce que je demande à genoux, et que l’on me refuse.

Le ton et l’air du prince de Navarre suspendirent l’étonnement du comte de Tende. Je ne sais, lui répondit-il, du même ton qu’avait parlé le prince, si une grace que vous demandez à genoux à ma femme, quand on dit qu’elle dort, et que je vous trouve seul avec elle, et sans carrosse à ma porte, sera de celles que je souhaiterais qu’elle vous accordât. Le prince de Navarre, rassuré et hors de l’embarras du premier moment, se leva, s’assit avec une liberté entière, et la comtesse de Tende, tremblante et éperdue, cacha son trouble par l’obscurité du lieu où elle était. Le prince de Navarre prit la parole : Vous m’allez blâmer ; mais il faut néanmoins me secourir : je suis amoureux et aimé de la plus aimable personne de la cour ; je me