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mariage. Elle ouvrit la lettre avec beaucoup d’émotion, et y trouva à-peu-près ces paroles :

« Je ne pense qu’à vous, madame : je ne suis occupé que de vous ; et, dans les premiers moments de la possession légitime du plus grand parti de France, à peine le jour commencé à paraître, que je quitte la chambre où j’ai passé la nuit, pour vous dire que je me suis déja repenti mille fois de vous avoir obéi, et de n’avoir pas tout donné pour ne vivre que pour vous. »

Cette lettre, et les moments où elle était écrite, touchèrent sensiblement la comtesse de Tende. Elle alla dîner chez la princesse de Neufchâtel, qui l’en avait priée. Son mariage était déclaré : elle trouva un nombre infini de personnes dans la chambre ; mais, sitôt que cette princesse la vit, elle quitta tout le monde, et la pria de passer dans son cabinet. À peine étaient-elles assises, que le visage de la princesse se couvrit de larmes. La comtesse crut que c’était l’effet de la déclaration de son mariage, et qu’elle la trouvait plus difficile à supporter qu’elle ne l’avait imaginé ; mais elle vit bientôt qu’elle se trompait. Ah ! madame, lui dit la princesse, qu’ai-je fait ? J’ai épousé un homme par passion ; j’ai fait un mariage inégal, désapprouvé, qui m’abaisse ; et celui que j’ai préféré à tout, en aime une autre ! La comtesse de Tende pensa s’évanouir à ces paroles : elle crut que la princesse ne pouvait avoir pénétré la passion de son mari, sans en avoir aussi démêlé la cause ; elle ne put répondre. La princesse de Navarre (on l’appela ainsi depuis son mariage) n’y prit pas garde, et continuant : M. le prince de Na-