Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/227

Cette page a été validée par deux contributeurs.

amoureux de la comtesse. Il ne put lui cacher entièrement sa passion : elle s’en aperçut ; son amour-propre en fut flatté, et elle se sentit un amour violent pour lui.

Un jour, comme elle lui parlait de la grande fortune d’épouser la princesse de Neufchâtel, il lui dit en la regardant d’un air où sa passion était entièrement déclarée : Et croyez-vous, madame, qu’il n’y ait point de fortune que je préférasse à celle d’épouser cette princesse ? La comtesse de Tende fut frappée des regards et des paroles du chevalier : elle le regarda des mêmes yeux dont il la regardait ; et il y eut un trouble et un silence entre eux plus parlant que les paroles. Depuis ce temps, la comtesse fut dans une agitation qui lui ôta le repos : elle sentit le remords d’ôter à son amie le cœur d’un homme qu’elle allait épouser uniquement pour en être aimée, qu’elle épousait avec l’improbation de tout le monde, et aux dépens de son élévation.

Cette trahison lui fit horreur : la honte et les malheurs d’une galanterie se présentèrent à son esprit ; elle vit l’abîme où elle se précipitait, et elle résolut de l’éviter.

Elle tint mal ses résolutions. La princesse était presque déterminée à épouser le chevalier de Navarre : néanmoins elle n’était pas contente de la passion qu’il avait pour elle ; et, au travers de celle qu’elle avait pour lui, et du soin qu’il prenait de la tromper, elle démêlait la tiédeur de ses sentiments. Elle s’en plaignit à la comtesse de Tende. Cette comtesse la rassura ; mais les plaintes de madame de Neufchâtel achevèrent de la troubler ; elles lui firent voir l’étendue de sa tra-