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qui s’accordait à son devoir, s’imprima fortement dans son cœur. Les passions et les engagements du monde lui parurent tels qu’ils paraissent aux personnes qui ont des vues plus grandes et plus éloignées. Sa santé, qui demeura considérablement affaiblie, lui aida à conserver ces sentiments ; mais comme elle connaissait ce que peuvent les occasions sur les résolutions les plus sages, elle ne voulut pas s’exposer à détruire les siennes, ni revenir dans les lieux où était ce qu’elle avait aimé. Elle se retira, sur le prétexte de changer d’air, dans une maison religieuse, sans faire paraître un dessein arrêté de renoncer à la cour.

À la première nouvelle qu’en eut M. de Nemours, il sentit le poids de cette retraite, et il en vit l’importance. Il crut, dans ce moment, qu’il n’avait plus rien à espérer. La perte de ses espérances ne l’empêcha pas de mettre tout en usage pour faire revenir madame de Clèves : il fit écrire la reine, il fit écrire le vidame, il l’y fit aller ; mais tout fut inutile. Le vidame la vit : elle ne lui dit point qu’elle eût pris de résolution ; il jugea néanmoins qu’elle ne reviendrait jamais. Enfin, M. de Nemours y alla lui-même, sur le prétexte d’aller à des bains. Elle fut extrêmement troublée et surprise d’apprendre sa venue. Elle lui fit dire par une personne de mérite qu’elle aimait, et qu’elle avait alors auprès d’elle, qu’elle le priait de ne pas trouver étrange si elle ne s’exposait point au péril de le voir, et de détruire par sa présence, des sentiments qu’elle devait conserver ; qu’elle voulait bien qu’il sût, qu’ayant trouvé que son devoir et son repos s’opposaient au penchant qu’elle avait d’être à lui, les autres choses du monde