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la voir touchée de sa passion. Cependant il ne pouvait faire autre chose que s’affliger ; mais son affliction augmenta considérablement. Madame de Clèves, dont l’esprit avait été si agité, tomba dans une maladie violente sitôt qu’elle fut arrivée chez elle : cette nouvelle vint à la cour. M. de Nemours était inconsolable ; sa douleur allait au désespoir et à l’extravagance. Le vidame eut beaucoup de peine à l’empêcher de faire voir sa passion au public ; il en eut beaucoup aussi à le retenir, et à lui ôter le dessein d’aller lui-même apprendre de ses nouvelles. La parenté et l’amitié de M. le vidame fut un prétexte à y envoyer plusieurs courriers : on sut enfin qu’elle était hors de cet extrême péril où elle avait été, mais elle demeura dans une maladie de langueur, qui ne laissait guère d’espérance de sa vie.

Cette vue si longue et si prochaine de la mort fit paraître à madame de Clèves les choses de cette vie de cet œil si différent dont on les voit dans la santé. La nécessité de mourir, dont elle se voyait si proche, l’accoutuma à se détacher de toutes choses ; et la longueur de sa maladie lui en fit une habitude. Lorsqu’elle revint de cet état, elle trouva néanmoins que M. de Nemours n’était pas effacé de son cœur ; mais elle appela à son secours, pour se défendre contre lui, toutes les raisons qu’elle croyait avoir pour ne l’épouser jamais. Il se passa un assez grand combat en elle-même ; enfin elle surmonta les restes de cette passion, qui était affaiblie par les sentiments que sa maladie lui avait donnés : les pensées de la mort lui avaient reproché la mémoire de M. de Clèves. Ce souvenir,