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lui rien dire. Il revint trouver M. de Nemours, qui était si plein de joie, de tristesse, d’étonnement et d’admiration, enfin, de tous les sentiments que peut donner une passion pleine de crainte et d’espérance, qu’il n’avait pas l’usage de la raison. Le vidame fut long-temps à obtenir qu’il lui rendît compte de sa conversation. Il le fit enfin ; et M. de Chartres, sans être amoureux, n’eut pas moins d’admiration pour la vertu, l’esprit et le mérite de madame de Clèves, que M. de Nemours en avait lui-même. Ils examinèrent ce que ce prince devait espérer de sa destinée ; et, quelques craintes que son amour lui pût donner, il demeura d’accord avec M. le vidame qu’il était impossible que madame de Clèves demeurât dans les résolutions où elle était. Ils convinrent néanmoins qu’il fallait suivre ses ordres, de crainte que, si le public s’apercevait de l’attachement qu’il avait pour elle, elle ne fît des déclarations et ne prît des engagements vers le monde, qu’elle soutiendrait dans la suite, par la peur qu’on ne crût qu’elle l’eût aimé du vivant de son mari.

M. de Nemours se détermina à suivre le roi. C’était un voyage dont il ne pouvait aussi bien se dispenser, et il résolut à s’en aller, sans tenter même de revoir madame de Clèves du lieu où il l’avait vue quelquefois. Il pria M. le vidame de lui parler. Que ne lui dit-il point pour lui redire ! quel nombre infini de raisons pour la persuader de vaincre ses scrupules ! Enfin, une partie de la nuit était passée devant que M. de Nemours songeât à le laisser en repos.

Madame de Clèves n’était pas en état d’en trouver :