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avait été reconnu. Il avait souvent désiré de l’être, depuis que sa passion lui avait fait trouver ces moyens de voir madame de Clèves ; et, lorsqu’il n’espérait pas d’avoir ce plaisir, il allait rêver dans le même jardin où elle l’avait trouvé.

Lassé enfin d’un état si malheureux et si incertain, il résolut de tenter quelque voie d’éclaircir sa destinée. Que veux-je attendre, disait-il ? il y a longtemps que je sais que j’en suis aimé ; elle est libre, elle n’a plus de devoir à m’opposer ; pourquoi me réduire à la voir sans en être vu et sans lui parler ? Est-il possible que l’amour m’ait si absolument ôté la raison et la hardiesse, et qu’il m’ait rendu si différent de ce que j’ai été dans les autres passions de ma vie ? J’ai dû respecter la douleur de madame de Clèves ; mais je la respecte trop long-temps, et je lui donne le loisir d’éteindre l’inclination qu’elle a pour moi.

Après ces réflexions, il songea aux moyens dont il devait se servir pour la voir. Il crut qu’il n’y avait plus rien qui l’obligeât à cacher sa passion au vidame de Chartres : il résolut de lui en parler, et de lui dire le dessein qu’il avait pour sa nièce.

Le vidame était alors à Paris : tout le monde y était venu donner ordre à son équipage et à ses habits, pour suivre le roi, qui devait conduire la reine d’Espagne. M. de Nemours alla donc chez le vidame, et lui fit un aveu sincère de tout ce qu’il lui avait caché jusques alors, à la réserve des sentiments de madame de Clèves, dont il ne voulut pas paraître instruit.

Le vidame reçut tout ce qu’il lui dit avec beaucoup de joie, et l’assura que, sans savoir ses sentiments, il