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exactement, de voir s’il n’irait point à Coulommiers, et s’il n’entrerait point la nuit dans le jardin.

Le gentilhomme, qui était très-capable d’une telle commission, s’en acquitta avec toute l’exactitude imaginable. Il suivit M. de Nemours jusqu’à un village, à une demi-lieue de Coulommiers, où ce prince s’arrêta, et le gentilhomme devina aisément que c’était pour y attendre la nuit. Il ne crut pas à propos de l’y attendre aussi ; il passa le village, et alla dans la forêt à l’endroit par où il jugeait que M. de Nemours pouvait passer. Il ne se trompa point dans tout ce qu’il avait pensé : sitôt que la nuit fut venue, il entendit marcher, et, quoiqu’il fît obscur, il reconnut aisément M. de Nemours : il le vit faire le tour du jardin, comme pour écouter s’il n’y entendrait personne, et pour choisir le lieu par où il pourrait passer le plus aisément. Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu’on ne pût entrer ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. M. de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu’il fut dans ce jardin, il n’eut pas de peine à démêler où était madame de Clèves ; il vit beaucoup de lumières dans le cabinet ; toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s’en approcha avec un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. Il vit qu’elle était seule ; mais il la vit d’une si admirable beauté, qu’à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n’avait rien sur sa tête et sur sa