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forêt, et sur le plaisir qu’avait madame de Clèves de s’y promener seule une partie de la nuit. M. de Nemours, qui connaissait assez le lieu pour entendre ce qu’en disait madame de Martigues, pensa qu’il n’était pas impossible qu’il y pût voir madame de Clèves sans être vu que d’elle. Il fit quelques questions à madame de Martigues, pour s’en éclaircir encore ; et M. de Clèves, qui l’avait toujours regardé pendant que madame de Martigues avait parlé, crut voir dans ce moment ce qui lui passait dans l’esprit. Les questions que fit ce prince le confirmèrent encore dans cette pensée : en sorte qu’il ne douta point qu’il n’eût dessein d’aller voir sa femme. Il ne se trompait pas dans ses soupçons : ce dessein entra si fortement dans l’esprit de M. de Nemours, qu’après avoir passé la nuit à songer aux moyens de l’exécuter, dès le lendemain matin, il demanda congé au roi, pour aller à Paris, sur quelque prétexte qu’il inventa.

M. de Clèves ne douta point du sujet de ce voyage ; mais il résolut de s’éclaircir de la conduite de sa femme, et de ne pas demeurer dans une cruelle incertitude. Il eut envie de partir en même-temps que M. de Nemours, et de venir lui-même, caché, découvrir quel succès aurait ce voyage ; mais, craignant que son départ ne parût extraordinaire, et que M. de Nemours, en étant averti, ne prît d’autres mesures, il résolut de se fier à un gentilhomme qui était à lui, dont il connaissait la fidélité et l’esprit. Il lui conta dans quel embarras il se trouvait : il lui dit quelle avait été jusqu’alors la vertu de madame de Clèves, et lui ordonna de partir sur les pas de M. de Nemours, de l’observer