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de jour qu’elle n’eût craint ou espéré de le rencontrer ; et elle trouva une grande peine à penser qu’il n’était plus au pouvoir du hasard de faire qu’elle le rencontrât.

Elle s’en alla à Coulommiers, et, en y allant, elle eut soin d’y faire porter de grands tableaux qu’elle avait fait copier sur des originaux qu’avait fait faire madame de Valentinois pour sa belle maison d’Annet. Toutes les actions remarquables qui s’étaient passées du règne du roi étaient dans ces tableaux. Il y avait entre autres le siége de Metz, et tous ceux qui s’y étaient distingués étaient peints fort ressemblants : M. de Nemours était de ce nombre, et c’était peut-être ce qui avait donné envie à madame de Clèves d’avoir ces tableaux.

Madame de Martigues, qui n’avait pu partir avec la cour, lui promit d’aller passer quelques jours à Coulommiers. La faveur de la reine, qu’elles partageaient ne leur avait point donné d’envie ni d’éloignement l’une de l’autre : elles étaient amies, sans néanmoins se confier leurs sentiments. Madame de Clèves savait que madame de Martigues aimait le vidame ; mais madame de Martigues ne savait pas que madame de Clèves aimât M. de Nemours, ni qu’elle en fût aimée. La qualité de nièce du vidame rendait madame de Clèves plus chère à madame de Martigues, et madame de Clèves l’aimait aussi comme une personne qui avait une passion aussi-bien qu’elle, et qui l’avait pour l’ami intime de son amant.

Madame de Martigues vint à Coulommiers, comme elle l’avait promis à madame de Clèves : elle la trouva dans une vie fort solitaire. Cette princesse avait même cherché le moyen d’être dans une solitude entière, et