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Après ces paroles, M. de Clèves quitta sa femme, sans attendre sa réponse. Elle trouva beaucoup de raison dans tout ce qu’il lui dit ; et la colère où elle était contre M. de Nemours lui fit croire qu’elle trouverait aussi beaucoup de facilité à l’exécuter ; mais il lui parut difficile de se trouver à toutes les cérémonies du mariage, et d’y paraître avec un visage tranquille et un esprit libre. Néanmoins, comme elle devait porter la robe de madame la dauphine, et que c’était une chose où elle avait été préférée à plusieurs autres princesses, il n’y avait pas moyen d’y renoncer, sans faire beaucoup de bruit, et sans en faire chercher des raisons. Elle se résolut donc de faire un effort sur elle-même ; mais elle prit le reste du jour pour s’y préparer, et pour s’abandonner à tous les sentiments dont elle était agitée. Elle s’enferma seule dans son cabinet. De tous ses maux celui qui se présentait à elle avec le plus de violence, était d’avoir sujet de se plaindre de M. de Nemours, et de ne trouver aucun moyen de le justifier. Elle ne pouvait douter qu’il n’eût conté cette aventure au vidame de Chartres ; il l’avait avoué, et elle ne pouvait douter aussi, par la manière dont il avait parlé, qu’il ne sût que l’aventure la regardait. Comment excuser une si grande imprudence, et qu’était devenue l’extrême discrétion de ce prince, dont elle avait été si touchée ? Il a été discret, disait-elle, tant qu’il a cru être malheureux ; mais une pensée d’un bonheur, même incertain, a fini sa discrétion. Il n’a pu s’imaginer qu’il était aimé, sans vouloir qu’on le sût. Il a dit tout ce qu’il pouvait dire ; je n’ai pas avoué que c’était lui que j’aimais, il l’a soupçonné, et il a