Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est le maréchal de Saint-André, le duc de Nemours, ou le chevalier de Guise. Je ne vous répondrai rien, lui dit-elle en rougissant, et je ne vous donnerai aucun lieu par mes réponses de diminuer ni de fortifier vos soupçons ; mais, si vous essayez de les éclaircir en m’observant, vous me donnerez un embarras qui paraîtra aux yeux de tout le monde. Au nom de Dieu, continua-t-elle, trouvez bon que, sur le prétexte de quelque maladie, je ne voie personne. Non, madame, répliqua-t-il, on démêlerait bientôt que ce serait une chose supposée ; et, de plus, je ne me veux fier qu’à vous-même ; c’est le chemin que mon cœur me conseille de prendre, et la raison me conseille aussi : de l’humeur dont vous êtes, en vous laissant votre liberté, je vous donne des bornes plus étroites que je ne pourrais vous en prescrire.

M. de Clèves ne se trompait pas : la confiance qu’il témoignait à sa femme la fortifiait davantage contre M. de Nemours, et lui faisait prendre des résolutions plus austères qu’aucune contrainte n’aurait pu faire. Elle alla donc au Louvre et chez la reine dauphine à son ordinaire ; mais elle évitait la présence et les yeux de M. de Nemours, avec tant de soin, qu’elle lui ôta quasi toute la joie qu’il avait de se croire aimé d’elle. Il ne voyait rien dans ses actions qui ne lui persuadât le contraire. Il ne savait quasi si ce qu’il avait entendu n’était point un songe, tant il y trouvait peu de vraisemblance. La seule chose qui l’assurait qu’il ne s’était pas trompé, était l’extrême tristesse de madame de Clèves, quelque effort qu’elle fît pour la cacher : peut-être que des regards et des paroles