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davantage et de la laisser en repos. Quelque temps après, elle m’écrivit cette lettre que j’ai perdue. J’appris par-là qu’elle avait su le commerce que j’avais eu avec cette autre femme dont je vous ai parlé, et que c’était la cause de son changement. Comme je n’avais plus rien alors qui me partageât, la reine était assez contente de moi ; mais comme les sentiments que j’ai pour elle ne sont pas d’une nature à me rendre incapable de tout autre attachement, et que l’on n’est pas amoureux par sa volonté, je le suis devenu de madame de Martigues, pour qui j’avais déja eu beaucoup d’inclination pendant qu’elle était Villemontais, fille de la reine dauphine. J’ai lieu de croire que je n’en suis pas haï : la discrétion que je lui fais paraître, et dont elle ne sait pas toutes les raisons, lui est agréable. La reine n’a aucun soupçon sur son sujet ; mais elle en a un autre qui n’est guères moins fâcheux. Comme madame de Martigues est toujours chez la reine dauphine, j’y vais aussi beaucoup plus souvent que de coutume. La reine s’est imaginée que c’est de cette princesse que je suis amoureux. Le rang de la reine dauphine, qui est égal au sien, et la beauté et la jeunesse qu’elle a au-dessus d’elle, lui donnent une jalousie qui va jusques à la fureur, et une haine contre sa belle-fille qu’elle ne saurait plus cacher. Le cardinal de Lorraine, qui me paraît depuis long-temps aspirer aux bonnes graces de la reine, et qui voit bien que j’occupe une place qu’il voudrait remplir, sous prétexte de raccommoder madame la dauphine avec elle, est entré dans les différents qu’elles ont eus ensemble. Je ne doute pas qu’il n’ait démêlé le véritable sujet