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ce prince lui avait fait paraître, et dont elle avait été si touchée, n’était peut-être que l’effet de la passion qu’il avait pour cette autre personne, à qui il craignait de déplaire ; enfin elle pensait tout ce qui pouvait augmenter son affliction et son désespoir. Quels retours ne fit-elle point sur elle-même ! quelles réflexions sur les conseils que sa mère lui avait donnés ! Combien se repentit-elle de ne s’être pas opiniâtrée à se séparer du commerce du monde, malgré M. de Clèves, ou de n’avoir pas suivi la pensée qu’elle avait eue de lui avouer l’inclination qu’elle avait pour M. de Nemours ! Elle trouvait qu’elle aurait mieux fait de la découvrir à un mari dont elle connaissait la bonté, et qui aurait eu intérêt à la cacher, que de la laisser voir à un homme qui en était indigne, qui la trompait, qui la sacrifiait peut-être, et qui ne pensait à être aimé d’elle que par un sentiment d’orgueil et de vanité : enfin elle trouva que tous les maux qui lui pouvaient arriver, et toutes les extrémités où elle se pouvait porter, étaient moindres que d’avoir laissé voir à M. de Nemours qu’elle l’aimait, et de connaître qu’il en aimait une autre. Tout ce qui la consolait, était de penser au moins, qu’après cette connaissance, elle n’avait plus rien à craindre d’elle-même, et qu’elle serait entièrement guérie de l’inclination qu’elle avait pour ce prince.

Elle ne pensa guères à l’ordre que madame la dauphine lui avait donné de se trouver à son coucher : elle se mit au lit, et feignit de se trouver mal ; en sorte que, quand M. de Clèves revint de chez le roi, on lui dit qu’elle était endormie ; mais elle était bien éloignée