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changés ; mais de vous le faire voir en feignant de vous le cacher, et comme si je n’eusse pas eu la force de vous l’avouer. Je m’arrêtai à cette résolution : mais qu’elle me fut difficile à prendre ! et qu’en vous revoyant elle me parut impossible à exécuter ! Je fus prête cent fois à éclater par mes reproches et par mes pleurs. L’état où j’étais encore, par ma santé, me servit à vous déguiser mon trouble et mon affliction. Je fus soutenue ensuite par le plaisir de dissimuler avec vous, comme vous dissimuliez avec moi ; néanmoins je me faisais une si grande violence pour vous dire et pour vous écrire que je vous aimais, que vous vîtes plutôt que je n’avais eu dessein de vous laisser voir que mes sentiments étaient changés. Vous en fûtes blessé ; vous vous en plaignîtes : je tâchais de vous rassurer ; mais c’était d’une manière si forcée, que vous en étiez encore mieux persuadé que je ne vous aimais plus. Enfin, je fis tout ce que j’avais eu intention de faire. La bizarrerie de votre cœur vous fit revenir vers moi, à mesure que vous voyiez que je m’éloignais de vous. J’ai joui de tout le plaisir que peut donner la vengeance : il m’a paru que vous m’aimiez mieux que vous n’aviez jamais fait, et je vous ai fait voir que je ne vous aimais plus. J’ai eu lieu de croire que vous aviez entièrement abandonné celle pour qui vous m’aviez quittée. J’ai eu aussi des raisons pour être persuadée que vous ne lui aviez jamais parlé de moi. Mais votre retour et votre discrétion n’ont pu réparer votre légèreté : votre cœur a été partagé entre moi et une autre ; vous m’avez trompée, cela suffit pour m’ôter le plaisir