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Rien n’est plus connu que l’amitié de madame de la Fayette et du duc de la Rochefoucault, l’auteur des Maximes. Elle dura plus de vingt-cinq ans, et la mort seule en rompit les nœuds. Ce ne serait point assez de dire que M. de la Rochefoucault et madame de la Fayette se voyaient tous les jours : ils étaient continuellement ensemble ; ils ne se quittaient pas. Ils goûtaient ce plaisir si doux pour deux personnes d’un esprit supérieur, le plaisir de s’entendre, de s’apprécier, de se faire valoir, de s’éclairer mutuellement. Le duc de la Rochefoucault, après avoir fait la guerre aux rois pour mériter un cœur qui lui était infidèle[1], avait abjuré l’amour et la faction. Jugeant de toutes les femmes par la duchesse de Longueville, et de tous les hommes par les intrigants de la Fronde, il s’était cru en droit de mépriser l’humanité, et il en avait fait la

  1. Pour mériter son cœur, pour plaire à ses beaux yeux,
    J’ai fait la guerre aux rois, je l’aurais faite aux dieux.

    Vers de Duryer, écrits par le duc de la Rochefoucault au bas d’un portrait de madame de Longueville, dont il était l’amant. Après avoir perdu pour quelque temps la vue au combat de la porte Saint-Antoine, et s’être aperçu que madame de Longueville le trompait, il parodia ainsi ces deux vers :

    Pour mériter son cœur qu’enfin je connais mieux,
    J’ai fait la guerre aux rois, j’en ai perdu les yeux.