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« Tu n’as point de Lesbie, de Corinne, de Cinthie à chanter ; mais, comme tu pilles sans cesse les grands poètes de l’antiquité, il n’est pas étonnant que Laverna, la déesse des voleurs, soit l’objet de tes hommages. »

Je reviens au latin de madame de la Fayette. Ce n’est pas pour examiner s’il convient ou non à une femme d’apprendre cette langue. L’usage a prononcé. La connaissance du latin paraît être exclusivement réservée aux hommes, et la femme qui se livre à cette étude choque l’amour-propre de notre sexe, en usurpant un de ses privilèges, et du sien, en aspirant à s’en distinguer. Madame de la Fayette (on le tient d’elle-même) sentit vivement le tort qu’elle avait d’en savoir plus que les autres femmes, et elle ne négligea rien pour se le faire pardonner[1]. Au surplus, si elle s’efforça de cacher son instruction un peu virile, elle ne laissa point d’en retirer de grands fruits. Introduite de honne heure dans la société de l’hôtel de Rambouillet, la justesse et la solidité naturelles de son esprit n’auraient peut-être pas résisté à la contagion du mauvais goût, dont cet hôtel était le centre, si la lecture des auteurs latins ne lui eût offert un préservatif qu’elle ne pouvait encore à cette époque trouver dans notre littérature.

En 1655, âgée de vingt-deux ans, elle épousa Fran-

  1. « Madame de la Fayette savait le latin, mais elle n’en faisait rien paraître. C’était, disait-elle, afin de ne pas attirer sur elle la jalousie des autres dames. » Ségraisiana, page 114.