Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/388

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dans un autre sens qu'elles ne doivent l'être. Mais, puisque vous avez la bonté de vous intéresser dans sa fortune, trouvez bon, seigneur, que je vous informe de ce que vous ne pouvez savoir que par moi et que je vous apprenne les commencements d'une vie dont vous seul pouvez présentement faire le bonheur.

Les justes prétentions de mon père sur l'empire du calife le firent reléguer en Chypre ; j'y allai avec lui ; j'y devins amoureux d'Alasinthe et je l'épousai. Elle était chrétienne, je résolus d'embrasser sa religion, qui me paraissait la seule que l'on dût suivre ; néanmoins l'austérité m'en fit peur et retarda l'exécution de mon dessein. Je m'en retournai en Afrique ; les délices et la corruption des moeurs me rengagèrent plus que jamais dans ma religion, et me donnèrent une nouvelle aversion pour les chrétiens. J'oubliai Alasinthe pendant plusieurs années, mais enfin, touché du désir de la revoir et de revoir Zayde que j'avais laissée dans la première enfance, je résolus de l'aller quérir en Chypre pour lui faire changer de religion et pour la faire épouser au prince de Fez, de la maison des Idris. Il avait entendu parler d'elle ; il la désirait avec passion et son père avait pour moi une amitié particulière. La guerre, qui était en Chypre, me fit hâter mon dessein ; lorsque j'y arrivai, j'y trouvai le prince de Tharse amoureux de Zayde ; il me parut aimable, je ne doutai point qu'il n'en fût aimé. Je crus que ma fille se résoudrait aisément à l'épouser. Je n'étais pas entièrement engagé au prince de Fez. Sa mère était chrétienne et je craignais qu'elle ne fût un obstacle au dessein que j'avais que Zayde changeât de religion.