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madame, dit-elle à Zayde, que je ne voie point Consalve, je ne saurais supporter la vue d'un homme par qui Alamir a reçu la mort et qui lui a ôté ce qu'il préférait à sa vie.

La violence de sa douleur lui fit perdre la parole et la connaissance, et, comme sa santé était déjà fort affaiblie, on jugea aisément qu'elle était dans un grand péril. Le roi et la reine, avertis de son mal, vinrent la voir et envoyèrent quérir tous ceux qui la pouvaient soulager. Après cinq ou six heures d'une espèce de léthargie, la quantité des remèdes la fit revenir. De tout ce qui s'offrit à sa vue, elle ne reconnut que Zayde, qui pleurait auprès d'elle avec beaucoup de douleur : Ne me regrettez point, lui dit-elle si bas qu'à peine pouvait-on l'entendre, je n'aurais plus été digne de votre amitié et je n'aurais pu aimer une personne qui aurait causé la mort d'Alamir. Elle n'en put dire davantage ; elle retomba dans les accidents dont on venait de la tirer, et, dès le lendemain ; à la même heure qu'elle avait vu mourir le prince de Tharse, elle finit une vie que l'amour avait rendue si malheureuse.

La mort de deux personnes d'un mérite si extraordinaire parut si digne de compassion, que toute la cour de Léon en fut affligée. Zayde demeura dans une douleur inconcevable : elle aimait tendrement Félime, et la manière dont elle était morte redoublait encore son affliction. Plusieurs jours se passèrent sans que les soins et les prières de Consalve pussent apporter quelque modération à sa tristesse : Mais enfin la crainte de partir d'Fspagne et d'abandonner Consalve, fit faire quelque trêve à ses larmes et lui donna une autre