Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/382

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bois, je crus une partie de ce que j'ose croire présentement, mais j'étais si troublé et vous sûtes si bien donner un autre sens à vos paroles, qu'il ne m'en resta qu'une légère impression. Pardonnez-moi, madame, ce que j'ose penser, et pardonnez-moi d'avoir causé un malheur qui a été plus grand pour moi que pour vous. Je ne méritais pas d'être heureux ; je l'aurais trop été, si...

Une faiblesse l'empêcha de continuer ; il perdit la parole et tourna les yeux vers Félime, comme pour lui dire adieu ; ensuite il les ferma pour jamais et mourut quasi dans le même moment. Les larmes de Félime s'arrêtèrent ; elle demeura saisie de douleur et elle regarda mourir ce prince avec des yeux qui n'avaient plus de mouvement. Ses femmes, voyant qu'elle demeurait dans la place où elle était assise, l'emmenèrent d'un lieu où il ne restait que des objets funestes. Elle se laissa conduire sans prononcer une seule parole, mais, lorsqu'elle fut dans sa chambre, la vue de Zayde aigrit sa douleur et lui donna la force de parler :

— Vous êtes contente, madame, lui dit-elle d'une voix assez faible, Alamir est mort. Alamir est mort, continua-t-elle, et, comme si elle se l'eût appris à elle-même : Je ne le verrai donc plus ! J'ai donc perdu pour jamais l'espérance d'en être aimée ! Il n'est plus au pouvoir de l'amour de faire qu'il soit attaché à moi ; mes yeux ne trouveront plus les siens ; sa présence, qui adoucissait tous mes malheurs, n'est plus un bien que je puisse recouvrer. Ah ! madame, dit-elle à Zayde, est-il possible que quelqu'un vous pût plaire et qu'Alamir ne vous ait pas plu ? Quelle inhumanité a été la